Riz : Faleri Bolly, Président de l’interprofession riz « l’office du Niger ne peut atteindre qu’une production maximum de 400 000 tonnes de riz paddy »

Au Mali, la production nationale en riz couvre les 93% de la consommation nationale. Cette année, les premières récoltes du riz qui ont commencé le processus de récolte doit continuer jusqu’à janvier selon les zones agricoles. Cependant les premières tendances sont loin de l’objectif de 3 millions de riz programmés par le gouvernement malien de transition.

Dans la zone de l’office du Niger, le président de l’interprofession riz, Faleri Bolly, 71 ans, est basé à Molodo. Il cultive le riz sur plusieurs hectares. Cet producteur de riz cumule une expérience de 36 ans dans la zone de l’office du Niger. Faleri Bolly a vécu toutes les politiques agricoles de différents régimes qui se sont succédé au Mali, du Président Moussa Traoré à la transition actuelle. De passage à Bamako, il a accordé une interview à sahelagriculture.com.

Sahelagriculture.com: L’Office du Niger qui produit environ un peu plus de 40% de la production nationale vise cette année une production de 800 000 tonnes de riz paddy. Peut-on espérer une telle production ?

Faleri Bolly: Non. La production de la zone office du Niger ne peut atteindre malheureusement qu’une production maximum de 400 000 tonnes de riz paddy. Cela s’explique par le manque d’engrais, certains producteurs qui devraient avoir 2 sacs d’engrais à l’hectare n’ont reçu qu’un seul. Il y a eu ensuite des pluies diluviennes qui ont inondé les champs au moment des fleuraisons des plantes, donc les fleurs étaient emportées par les eaux. Le troisième problème qui s’est posé à nous, c’est l’attaque de nos champs par une nouvelle maladie qui s’appelle pyricularios. A cela s’ajoute des zones qui n’ont pas été cultivés à cause de l’insécurité.

Et dans les autres zones de productions de riz au Mali ?

Dans la zone de la région de Sikasso, à Kléna les inondations ont également détruit les champs de riz, mais à Niéna, la situation semble être sous contrôle. Dans les autres localités, comme à Selingué dans la région de Koulikoro, les champs semblent être bon, mais attention à la maladie est là. A Baguineda, cette même maladie de pyricularios a été signalée, mais la première récolte est bonne. Dans la région de Kayes la production de riz s’équilibre, et la grande satisfaction vient des champs des régions de Mopti et Tombouctou qui sont sur la bonne voie.

Dans la zone office du Niger, certains champs ont été détruit par des hommes armés l’an passé. Des producteurs ont perdu leur récolte. Comment vous gérez cette situation ?

Nous sommes dans un processus permanent de médiation entre les banques et les producteurs victimes de l’insécurité. Il y a des producteurs qui avaient contracté jusqu’à 5 millions de crédit avec des banques et aujourd’hui ils sont dans l’incapacité de rembourser les banques. Cette année, ces mêmes villageois avaient trouvé un compromis avec les djihadistes afin de sauver leurs champs. Mais malheureusement, les dozos étaient venus chasser ces villageois et finalement ils n’ont pas pu cultiver leurs champs cette année.

Le gouvernement s’appuie sur une loi d’orientation agricole pour développer les cultures. Est-ce que la filière riz tire son épingle du jeu ?

La culture du riz au Mali doit s’appuyer politiquement sur le gouvernement. Il y a eu des tentatives d’appui dans les discours des autorités du pays, mais malheureusement pas dans la pratique. Il y a quand même des choses illogiques dans le secteur riz. Le gouvernement subventionne la culture du riz et au même moment il octroie des exonérations aux commerçants pour importer le riz. Cette situation tue les productions nationales et pose problème aux producteurs de riz au Mali. Un autre problème se pose. L’État à travers le Commissariat à la sécurité alimentaire, n’achète pas le riz produit au Mali. Il achète le riz importé.

Il doit y avoir un observatoire de riz au niveau de votre interprofession, pourquoi jusque-là cet observatoire n’est pas opérationnel ?

Oui, et il doit y avoir aussi un observatoire au niveau de chaque interprofession. Cet observatoire doit collecter des informations en temps réel sur les productions agricoles. L’État ne nous interdit pas de mettre en place cet observatoire, mais il nous met les bâtons dans les roues. Il arrive souvent que l’État nous oppose, nous producteurs du riz, les uns contre les autres. Cette réticence de l’État peut s’expliquer. Le gouvernement veut produire seul les données sur les cultures au Mali. L’objectif est de fournir à ses partenaires financiers des données politiquement correctes en montrant une croissance économique. Cela peut passer facilement à travers des données sur l’Agriculture. Je connais des fonctionnaires qui ont démissionné de la cellule de planification Cellule de Planification et Statistique du Secteur Développement Rural (CPS-SDR) parce que leur hiérarchie les avait demandés de trafiquer les données sur la production agricole.